La plainte de potentats contre le Bruno Manser Fonds
Contexte
Fondé il y a plus de 30 ans par le légendaire activiste des droits humains Bruno Manser, le Bruno Manser Fonds (BMF) est une organisation suisse de défense de l'environnement et des droits humains qui s'engage contre le déboisement de la forêt pluviale et pour les droits des autochtones au Sarawak (Malaisie). Ce faisant, l'association dénonce les profiteurs de la déforestation par leurs noms et a donc été visée par plusieurs plaintes pénales et actions en justice depuis 2018.
Les plaintes
Les auteurs des plaintes sont Jamilah Taib-Murray, la fille de Taib Mahmud, longtemps chef du gouvernement et actuel gouverneur de l'État malaisien du Sarawak, ainsi que son mari et deux de ses sociétés immobilières canadiennes.
Depuis août 2018, une procédure civile contre le Bruno Manser Fonds est engagée. Ils ont d'abord exigé l'adoption de mesures provisionnelles et la suppression préventive de 255 publications du Bruno Manser Fonds. Mais ils ont échoué en 2019 devant le tribunal civil et la cour d'appel de Bâle-Ville.
Une procédure pénale dans laquelle les plaignants accusaient les responsables du Bruno Manser Fonds de contrainte, de fausse accusation, de diffamation, d'escroquerie, d'abus de confiance et de gestion déloyale a été classée en 2022 par le ministère public bâlois.
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Après presque quatre ans, le ministère public bâlois a annoncé le 25 juillet 2022 qu'il mettait fin à la procédure, car toutes les accusations portées contre le Bruno Manser Fonds étaient infondées. Le ministère public écrit : “ Il n'existe (...) aucun indice d'une violation des obligations des représentants du BMF ”. En ce qui concerne les accusations de dénonciation calomnieuse et d'induire la justice en erreur, il n'est “ pas évident ” que le Bruno Manser Fonds ait jamais commis de tels “ actes ”. Quant à l'accusation de contrainte, il “ manque ” tout comportement qui serait punissable. Une escroquerie est certes “ alléguée ” dans la plainte du couple Taib Murray, mais elle n'est “ pas décrite ” et “ il ne peut être question d'un abus de confiance de l'argent des dons, voire d'un abus de confiance ou d'une gestion déloyale ”.
Une action judiciaire initiée en 2019 par les mêmes plaignants contre le BMF et son directeur pour atteinte présumée à la personnalité est toujours en suspens. L'audience principale a eu lieu le 16 août 2023 devant le tribunal civil de Bâle-Ville. Dans leur plainte de plusieurs centaines de pages, les plaignants exigent entre autres la suppression de 249 publications du BMF datant de 2009 à 2018 (demande de suppression) ainsi que l'interdiction d'une série de déclarations que les plaignants mettent entre autres en relation avec la corruption dans l'Etat du Sarawak et le blanchiment d'argent (demande d'interdiction). En plus d'une indemnité pour tort moral, la remise d'un bénéfice de l'auteur de l'infraction est demandée pour une valeur litigieuse provisoire d'un million de francs suisses.
Pour cette procédure-bâillon contre l'ONG bâloise, la fille du potentat malaisien s'offre les services du cabinet d'affaires VISCHER, qui emploie plus de 100 personnes. Parallèlement aux démarches juridiques, les plaignants ont engagé deux agences de relations publiques qui ont lancé un site web contre le BMF et envoyé des lettres aux donateurs du BMF et à la fondation ZEWO afin de discréditer le BMF et son directeur.
Le Bruno Manser Fonds poursuit son combat
Bien que toutes ces procédures aient déjà coûté au Bruno Manser Fonds bien plus de 500'000 francs et des centaines d'heures de travail, l'organisation continue à s'engager pour la justice et ne se laisse pas intimider par cette procédure-bâillon. L'association bénéficie notamment du soutien de la Coalition against SLAPPs in Europe (CASE), qui a classé la plainte des potentats contre le BMF comme SLAPP. Ce cas juridique est le premier cas en Suisse à être officiellement classé comme poursuite-bâillon par CASE.